Le modèle Buurtzorg (« Soins de proximité » en français), désigne une prise en charge novatrice des soins à domicile. Lancé en 2006 par Jos de Blok au Pays-Bas, ce concept vise à favoriser le lien social en prenant réellement en compte chaque patient, et plus seulement sa condition médicale, tout en responsabilisant les infirmières. A son lancement, Jos de Blok était accompagné de 4 infirmières et d’un développeur informatique. Aujourd’hui, l’organisation compte plus de 10 000 infirmiers-ères réparties dans 850 équipes à travers tout le pays, ce qui représente environ 70% du marché des soins à domicile aux Pays-Bas.
En pratique, le modèle Buurtzorg consiste à former des équipes de 6 à 12 infirmiers-ères, qui gèreront en totale autonomie le fonctionnement de leur équipe, sans responsable hiérarchique. Chaque équipe est responsable d’une zone géographique allant de 10 à 20 000 habitants. De cette manière, le nombre d’infirmiers-ères rendant visite à un même patient est considérablement réduit, créant ainsi une relation de proximité et de confiance entre le patient et le personnel soignant.
Cette nouvelle manière d’apporter des soins à domicile, en plus de proposer un travail de qualité, diminue considérablement les coûts que nécessitent ces prestations. Tout d’abord, en implantant une équipe dans une zone géographique limitée, les frais de déplacement se voient diminués. Viennent ensuite les frais engendrés par les services intermédiaires qui ne sont pas sur le terrain (les managers par exemple), ceux-ci sont également gommés en suivant le modèle Buurtzorg. De cette manière, la tarification des consultations est, elle aussi, amoindrie.
Buurtzorg l’a bien compris : c’est en développant la coopération de tous, qu’il est possible de maintenir les personnes en perte d’autonomie le plus longtemps possible à leur domicile. C’est pourquoi, au-delà d’être un système de soins à domicile novateur, Buurtzorg est également un modèle basé sur des échanges et sur un travail de coopération. Sans cette coopération, l’un des trois piliers nécessaires (les infirmières, les patients, et les proches de ce dernier) au bon fonctionnement de cette méthode se trouve affaibli, entrainant donc des manques ou des problèmes.
En effet, on retrouve cette idée de coopération tout d’abord entre les infirmières. Elles gèrent leur équipe en totale autonomie, il est donc nécessaire d’apprendre à travailler en équipe, de communiquer afin de transmettre chaque information nécessaire au bon déroulement des consultations et au bien-être des patients.
Ensuite, le fait de restreindre le nombre d’infirmières attachées à un même patient, facilitera la communication et la proximité entre eux. Une relation de confiance pourra alors s’établir, et de cette manière, il sera plus simple pour le patient de se confier sur son état d’esprit actuel ou tout autre sujet qui peut être difficile à aborder avec un « inconnu ». L’infirmière sera alors en mesure de trouver des solutions réellement adaptées à son patient.
Et pour finir, la relation entre l’infirmière et les proches du patient est également non négligeable. En effet, en les informant des évolutions positives ou négatives du patient, et en leur proposant des solutions, ces derniers seront également en capacité d’agir de la bonne manière pour assurer son bien-être. Le rôle de l’infirmière est, non seulement de consulter et de tenir informée la famille du patient, mais également de lui constituer, ou reconstituer un réseau d’amis, de voisins, de connaissances pouvant lui rendre un service ponctuel ou récurrent.
Après avoir pleinement pris connaissance de cette nouvelle façon de travailler, on peut distinguer différents points très positifs à ce système, mais également quelques freins dont il est important de tenir compte.
Tout d’abord, on ne peut que souligner l’initiative de recréer du lien social dans ce domaine, puisqu’il reste la base du métier d’infirmière. Le fait de restreindre le nombre d’infirmières pour un seul patient, permet, grâce à cette proximité, d’établir une relation de confiance entre le patient et le personnel qui le prend en charge. En conséquence, les infirmières connaissent réellement leur patient, et sont en mesure d’observer et de prévenir les potentiels risques ou régressions, en plus de réaliser des soins de qualité.
En revanche, le modèle Buurtzorg se base sur le principe du self-management. Chaque équipe se gère en totale autonomie, sans responsable hiérarchique. Il est alors légitime de se demander comment passer d’un modèle pyramidal, à ce modèle horizontal, sans hiérarchie.
On peut notamment se demander qui devient l’interlocuteur principal à qui s’adresser en cas de nécessité. En effet, dans un fonctionnement pyramidal, les membres de l’entreprise autant que des personnes externes à celles-ci, savent qu’en cas de demande, de problème ou de questionnement, elles peuvent s’adresser au responsable de secteur. Mais dans le cas d’un modèle horizontal, à qui doit-on s’adresser, pour s’assurer que les informations seront transmises ?
En suivant le modèle Buurtzorg, chaque infirmière d’une équipe à un rôle établi pour assurer la gestion du groupe. Ces rôles peuvent être fixes, ou attribués sur une certaine durée. Ce mode de fonctionnement peut être un premier frein à dépasser. Les infirmières doivent accepter le fait d’avoir une responsabilité supplémentaire participant au bon fonctionnement de l’équipe. Cette implication peut paraître contraignante au premier abord, pour une infirmière qui souhaite produire des soins de qualité et se concentrer pleinement sur son métier sans charge supplémentaire.
Le fait d’avoir des rôles « tournants » pourrait également ajouter une complexité supplémentaire, notamment en termes de communication. En effet, si le référent à qui chacun peut s’adresser change constamment, il sera très difficile d’établir des communications efficaces, autant en interne qu’en externe. On peut alors se demander si ce rôle n’aurait pas tout intérêt à rester attribué à la même personne de façon permanente. De cette manière, les échanges auraient toujours lieux entre les mêmes interlocuteurs, ce qui simplifierai la réception et la transmission des messages, et permettrai de garder une certaine confidentialité, lorsque cela est nécessaire.
En France, de plus en plus de structures s’inspirent du modèle Buurtzorg. Le collectif l’Humain d’abord regroupe plusieurs de ces entreprises d’aide à domicile s’inspirant de ce modèle (Vivat, Alenvi, Adhap Rouen, l’Atelier 48 et Soignons Humain).
Le plus important, selon Jos de Blok, n’est pas de calquer complétement ce modèle sans y réfléchir, mais de faire preuve de bon sens, afin de l’adapter à la réalité du terrain et au système de santé en place dans le pays.
On peut finalement affirmer que le modèle Buurtzorg a permis de totalement repenser la manière de travailler des infirmières à domicile, pour finalement revenir aux bases de ce métier et des raisons pour lesquelles il créé tant de vocations. Favoriser le lien social et remettre le patient au cœur du système de soin sont les maîtres mots pour conserver un maximum d’autonomie et une bonne santé des personnes soignées. Responsabiliser les infirmières et favoriser le travail en équipes autonomes sont également des aspects clés de ce système, et qui participent à son succès.
Ce modèle a su prouver ses nombreux bénéfices. Mais étant principalement basé sur la coopération et le lien entre les différents acteurs qui y participent, la qualité des échanges internes et externes est indispensable. Or, comme on l’a soulevé précédemment, cette exigence peut se voir difficile à respecter dans le cas où les rôles établis sont temporaires. Il est donc nécessaire d’établir une stratégie permettant d’assurer la qualité des échanges, avant d’adopter un modèle libéré tel que Buurtzorg.
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